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Lettre ouverte au Président de la République française

Paris, le 19 décembre 2022

Monsieur le Président de la République,


Responsables des comités de soutien à Fariba Adelkhah et Benjamin Brière, actuellement otages des autorités iraniennes, nous prenons la liberté de vous écrire à l’approche de ces fêtes de fin d’années qui seront en réalité une souffrance pour eux
comme pour nous.

Aujourd’hui sept de nos compatriotes sont retenu(e)s en otages en Iran. Sept ou peut-être plus, car nous savons d’expérience que tous les cas ne sont pas divulgués dans l’espoir – compréhensible – de faciliter les pourparlers avec les autorités de Téhéran.

Nous craignons néanmoins que la liste ne s’allonge entre le moment où nous vous écrivons et celui où vous prendrez connaissance de notre courrier puisque la capture d’étrangers est devenue une véritable politique publique en Iran.
Nous ne doutons pas de votre détermination ni des efforts de notre diplomatie. Nous ne méconnaissons pas la difficulté de votre tâche dans la mesure où les intentions et les pouvoirs des preneurs d’otages demeurent opaques. S’agit-il de peser sur les négociations en cours entre l’Iran et les chancelleries étrangères, ou au contraire de les saboter ? S’agit-il d’un jeu politique interne à la République islamique, opposant une faction ou une institution à d’autres ?

Mais une chose au moins est claire que ne peuvent dissimuler les prétextes, à la fois dramatiques et loufoques, invoqués pour « justifier » la détention arbitraire de nos compatriotes. Ceux-ci ne sont rien d’autre qu’une monnaie d’échange pour des tractations obscures qui ne les concernent en rien. Et aux yeux de la sécurité nationale et des intérêts de l’Iran cette monnaie est bien petite, dérisoire même. Pourtant elle paye. Depuis 2019 un seul de nos ressortissants a été libéré : le chercheur Roland Marchal, arrêté le 5 juin 2019 et échangé le 20 mars 2020. La doyenne de nos otages, sa collègue Fariba Adelkhah, capturée le même jour, est toujours en prison. Et au moins six autres noms se sont donc ajoutés à la liste.
Force est de reconnaître que la stratégie de négociation poursuivie jusqu’alors n’a engrangé aucun résultat significatif.
Nous vous demandons solennellement de la reconsidérer pour que cesse le calvaire de nos proches, de nos collègues, de nos concitoyens, et l’iniquité de cette forme barbare de diplomatie du chantage que pratique l’Iran. Il en va même de la sécurité dans le reste du monde car l’impunité dont jouit ce dernier en la matière menace de faire des émules.

Divers gouvernements recourent désormais à ce genre de méthode : la Russie, la Chine, la Birmanie, pour ne nous en tenir qu’aux faits les plus récents. C’est l’essence même du système diplomatique dont dépend la paix qui risque d’être mise en danger par la généralisation de cette technique de négociation que nous croyions naïvement être d’un autre âge.

Tout indique que l’Iran ne paye pas le juste prix de son cynisme. Or, la France n’est pas la seule à en être victime. La plupart de nos partenaires européens ont eux aussi des ressortissants pris en otages par les autorités de Téhéran. Il est grand temps que l’Europe parle d’une seule voix, signifie à ces dernières que leur farce cruelle n’a que trop duré, et conditionne la poursuite de toute forme de dialogue et de relation avec l’Iran à la libération immédiate et inconditionnelle de ses otages.
Monsieur le Président de la République, saisissez le Conseil européen de ce scandale pour que d’un seul geste solidaire les États membres de l’Union européenne rappellent en consultation leur ambassadeur à Téhéran et fassent du retour de leurs ressortissants dans leur foyer le préalable à toute relation diplomatique normale. Il en va non seulement de leur vie, de la dignité de nos pays respectifs, mais aussi de la sécurité internationale.

En vous remerciant par avance de l’attention que vous accorderez à notre démarche solennelle, nous vous prions, Monsieur le Président de la République, d’agréer l’expression de notre très haute considération.

Les responsables des comités de soutien de Fariba Adelkhah et Benjamin Brière, otages,
avec cinq autres ressortissant.e.s français.e.s, de la République islamique d’Iran


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Sandrine Perrot (20 décembre 2022). Lettre ouverte au Président de la République française. Fariba Adelkhah & Roland Marchal Support Committee. Consulté le 11 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/opbq


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